Le débat sur la réforme des retraites aurait dû être l’occasion de repenser la place du travail et le rôle des seniors dans la société. En n’étant centré qu’autour du seul paramètre de l’âge légal et en négligeant les répercussions sur les autres branches de la protection sociale (santé, accidents du travail – maladies professionnelles et chômage), le projet de réforme n’apporte pas de solutions à terme à la soutenabilité de notre système de protection sociale. L’employabilité des seniors est une condition nécessaire et préalable à un éventuel allongement de la durée de travail.
La précédente réforme des retraites a montré que l’augmentation d’un an de l’âge moyen dans les entreprises a contribué à faire croître la sinistralité en prévoyance d’environ 10 points, le nombre d’arrêts de travail longue durée et le risque de décès augmentant.
Sachant qu’une personne sur deux occupe un emploi au moment de son départ en retraite, le report de l’âge de départ pourrait augmenter le nombre de personnes « ni en emploi ni en retraite ».
La Mutualité Française partage l’objectif de soutenabilité à moyen terme du système de retraite par répartition mais ces deux premiers constats démontrent que le seul paramètre de l’âge de départ à la retraite est insuffisant pour atteindre l’équilibre global du système en répercutant des dépenses sur d’autres branches de protection sociale.
D’autres sources de financement existent pour rééquilibrer notre système. Ainsi, la Mutualité Française propose de revenir aux principes qui ont guidé la création du fonds de réserve des retraites en l’abondant quand la conjoncture est favorable et en sanctuarisant son utilisation. Si le fonds avait été abondé comme initialement prévu et si son utilisation n’avait pas été détournée de sa finalité originelle d’amortissement des cycles conjoncturels, la question du financement d’ici 2027 se poserait avec beaucoup moins d’acuité.
Parmi les autres leviers indispensables, l’employabilité des seniors. Il s’agit d’une priorité quand on sait que le taux d’emploi des 60-64 ans est de 33,1 % en France soit près de 13 points derrière la moyenne de l’OCDE. La qualité de vie et des conditions de travail, la prévention de l’usure professionnelle et des mécanismes de formation et d’accompagnement des fins de carrière doivent être des priorités. Pour anticiper le passage à la retraite, nous devons également penser des modes d’incitation pour valoriser l’expérience et la transmission des savoirs entre jeunes et travailleurs expérimentés.
Ainsi, et malgré quelques aménagements, les mécanismes solidaires de nos acquis sociaux pourraient régresser avec ce projet : allongement de la durée de cotisation excédant les gains d’espérance de vie, reproduction à la retraite des inégalités de revenus de la vie active, baisse du niveau des pensions pour les carrières incomplètes, en particulier pour les femmes. Pour être justes et équitables, les calculs des pensions de retraite devraient s’employer à corriger les inégalités d’espérance de vie entre les catégories de travailleurs et mieux appréhender la pénibilité des métiers.
« Il est de notre devoir collectif de réduire les inégalités et de pérenniser les fondements solidaires de notre protection sociale par répartition. Mais un partage juste des efforts, notamment par la contribution de l’ensemble des richesses au financement des protections sociales (santé, prévoyance, dépendance, retraite) sont des conditions nécessaires de l’acceptabilité pour un pacte solidaire durable et renouvelé entre générations » rappelle Eric Chenut, président de la Mutualité Française.
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