500 000 Français privés de complémentaires santé : les alertes et les propositions de la Mutualité française

Etienne Caniard, président de la Mutualité Française, a tenu une conférence de presse mardi 30 septembre 2014 pour alerter sur la dégradation de l’accès aux soins des Français.

 Afin de préserver l’accès aux soins des Français, la Mutualité demande :

  • une baisse des taxes qui pèsent sur les contrats santé ;
  • la généralisation du système de tiers payant que les mutuelles ont déjà mis en place ;
  • un organisme indépendant pour piloter les données de santé ;
  • la rénovation du cadre des négociations conventionnelles avec les professions de santé ;
  • le renforcement de l’identité mutualiste, de ses valeurs et de sa gouvernance, garantes du haut degré de protection offert à leurs adhérents, à l’occasion de la transposition de la directive Solvabilité II et avec le projet de refonte du code de la Mutualité.

FISCALITÉ : POUR UNE BAISSE DES TAXES PESANT SUR LES COMPLÉMENTAIRES ET DONC SUR LES FRANÇAIS

L’accès à la complémentaire santé recule pour la première fois : 3,3 millions de personnes en sont privées en 2012, soit 500.000 de plus qu’en 2010. « C’est un chiffre qui devrait alarmer nos gouvernants quand on sait que le renoncement aux soins est deux fois plus important pour les personnes ne bénéficiant pas d’une complémentaire  ! », alerte Etienne Caniard.

Ce recul survient à un moment où les taxes pesant sur les complémentaires santé sont passées de 1,75% en 2005 à 13,27% en 2012 (voire 20,27% pour les contrats non responsables). « C’est excessif », estime le président de la Mutualité. « Ces taxes ont un impact direct sur le coût des complémentaires santé et donc sur le pouvoir d’achat des Français ».

La Mutualité propose ainsi de faire passer la taxe sur les contrats solidaires et responsables de 7 à  5%, dans un premier temps.

GÉNÉRALISATION DU TIERS PAYANT : POUR UNE MISE EN ŒUVRE SIMPLIFIÉE ET EFFICACE AU BÉNÉFICE DE L’ENSEMBLE DES ACTEURS

Chaque année, les mutuelles évitent à leurs adhérents d’avancer 6,8 milliards d’euros grâce au tiers payant qu’elles ont mis en place avec 90.000 professionnels de santé (100% des pharmaciens et 50% des infirmières). « Le tiers payant est un outil efficace permettant de faciliter l’accès aux soins », estime Etienne Caniard. « C’est pourquoi nous sommes favorables à sa généralisation, prévue dans le projet de loi santé ».

Si le tiers payant était généralisé aux consultations et actes des médecins, les mutuelles et les autres organismes complémentaires pourraient éviter aux patients d’avancer 11,2 milliards d’euros de frais de soins par an (soit 4,4 milliards d’euros supplémentaires).

En revanche, les inquiétudes demeurent sur les conditions de mise en œuvre de cette généralisation. « La Mutualité, en étroite collaboration avec les autres familles de complémentaires, est en mesure de garantir, dès 2017, la mise en place d’une solution technique simple et efficace tant pour les professionnels de santé que pour les patients ». Dans cette perspective, Etienne Caniard a rappelé que les mutuelles ne se laisseront pas imposer un autre système de tiers payant, totalement entre les mains de l’Assurance maladie et qui ne respecterait pas la réalité de l’existence de deux financeurs, fragilisant ainsi le service rendu aux patients et aux professionnels de santé.

DONNÉES DE SANTÉ : POUR UNE VRAIE DÉMOCRATIE SANITAIRE

L’analyse des données de santé anonymisées est la clé pour mieux comprendre et améliorer notre système de santé, réduire les inégalités tarifaires, les inégalités d’accès aux soins et identifier les pratiques les plus efficaces pour les patients.

Or, d’après le projet de loi de santé, la gouvernance et l’hébergement de ces données sont confiés à la CNAMTS et non à un organisme indépendant (qui ne soit pas à la fois producteur et organisateur de ces données). « En l’état actuel, ce projet ne nous satisfait pas », explique Etienne Caniard. « Pour jouer véritablement son rôle, ce dispositif doit être piloté par un acteur indépendant et laisser une place réelle à chaque acteur impliqué – Assurance maladie et pouvoirs publics, mais aussi complémentaires santé, professionnels de santé, associations de patients…. Ce serait un progrès pour la démocratie sanitaire, l’efficience de notre système de santé et l’intérêt général. »

Plus globalement, la Mutualité française estime que « la coopération entre les assurances maladie obligatoires et complémentaires est une condition essentielle au bon fonctionnement de notre système de santé ». Le président de la Mutualité a d’ailleurs salué le dernier rapport  de la Cour des comptes qui juge que « l’amélioration des conditions d’accès aux soins suppose une véritable coopération des régimes de base et complémentaires ».

RELATION AVEC LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ : POUR UNE REMISE À PLAT DE LA POLITIQUE CONVENTIONNELLE

La Mutualité demande la remise à plat et la rénovation du cadre des négociations conventionnelles avec les professions de santé. Pour son président, « le système conventionnel tripartite actuel n’a pas atteint son objectif, ni en termes d’efficience du système, ni en termes d’accès aux soins. Les bénéfices pour les patients ne sont pas au rendez-vous. »

En 2013, le montant des dépassements d’honoraires des médecins libéraux est en hausse de 2,9% pour atteindre 2,7 milliards d’euros et la part des rémunérations forfaitaires a doublé passant de 5,8% en 2006 à 11,2% en 2013.

Les tentatives pour maîtriser les dépassements d’honoraires sont limitées ou contournées et le système de sanctions des dépassements excessifs n’a pas été réellement mis en œuvre.

La Mutualité Française souhaite que tout soit fait pour valoriser le contrat d’accès aux soins (CAS) qui doit permettre de maîtriser l’évolution des dépassements d’honoraires. Pour remplir ce rôle, il est indispensable qu’un nombre plus important de médecins y adhèrent afin de pouvoir concentrer l’intervention des mutuelles sur les médecins qui s’engagent dans ce dispositif.

SOLVABILITÉ II : POUR UNE RECONNAISSANCE DE LA GOUVERNANCE MUTUALISTE

La Mutualité Française est mobilisée aux côtés des mutuelles et les accompagne dans la perspective de l’entrée en vigueur de la directive Solvabilité II au 1er janvier 2016. En 2014, la Fédération a ainsi formé 60% des mutuelles concernées pour les préparer à cette évolution majeure.

« Notre objectif est la mise en place d’une réforme qui respecte l’identité mutualiste et qui soit proportionnée à la situation économique des mutuelles », explique le président de la Mutualité. Il rappelle que la gouvernance démocratique propre aux mutuelles a fait la preuve de son efficacité, d’une gestion raisonnable et sécurisée au service des adhérents. Ce modèle a d’ailleurs été consacré par la loi sur l’économie sociale et solidaire. Or, le projet actuel de transposition de la directive Solvabilité II pourrait remettre en cause la gouvernance mutualiste.

« Nos positions doivent être entendues par les pouvoirs publics, rappelle Etienne Caniard. Elles font d’ailleurs l’objet d’un large consensus auprès des autres fédérations ».

CONSTRUIRE UN NOUVEAU CODE DE LA MUTUALITÉ POUR S’ADAPTER AUX NOUVEAUX DÉFIS

Concentration du secteur, nouvelles exigences prudentielles, généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés….

La mutation du secteur des mutuelles s’accélère et rend incontournable une réforme du code de la Mutualité. La Mutualité française estime qu’ « une adaptation du code est nécessaire pour permettre aux mutuelles de relever ces nouveaux défis tout en réaffirmant leurs valeurs (démocratie, solidarité et non-lucrativité) ». La Mutualité fera des propositions en ce sens dès 2015, notamment à l’occasion de son Congrès (11-13 juin 2015).