Plus de cinquante personnes ont assisté aux échanges.
La Mutualité Française Bourgogne-Franche-Comté a organisé un débat consacré à l’extension de la PMA à toutes les femmes. Une cinquantaine de personnes est venue échanger avec des experts de la question et partager leurs avis et leurs expériences.
Afin de porter les positions mutualistes sur l’extension de la PMA à toutes les femmes, la MFBFC a choisi de proposer un débat regroupant des experts reconnus au niveau national. Ainsi, le Pr Paul Sagot,Audrey et Arthur Kermalvezen, Armand Dirand et Thomas Jouannet (lire les biographies par ailleurs) se sont réunis le 7 novembre 2019 à Besançon, lors d’un débat Place de la Santé.
Guidés par Nassim Larfa, chargé d’affaires publiques à la Mutualité Française, ils ont pu échanger leurs visions et faire part de leurs expériences. Les discussions se sont articulées autour des quatre articles de la loi bioéthique consacrés à la PMA, face à un parterre de plus de 50 personnes.
Article 1 : élargir aux couples de femmes et aux femmes célibataires l’accès à la PMA.
Le premier article correspond à un changement de paradigme majeur. Depuis 1994, comme l’a rappelé le Pr Sagot, le recours à la PMA n’est possible que dans un contexte légal. Avec cette proposition de loi, la condition médicale pour avoir recours à une PMA est supprimée.
Thomas Jouannet estime que de cette façon le fait social prend le pas sur le fait médical.
Article 2 : fin de la possibilité de conserver des gamètes au moment du don et ouverture de la possibilité d’une autoconservation de gamètes pour les femmes comme pour les hommes
L’autoconservation des ovocytes pour préserver sa fertilité n’est pas permise en France en dehors d’un contexte pathologique. A l’inverse, de nombreux pays l’autorisent : Canada, Etats-Unis, Italie, Espagne, Danemark ou Belgique.
Toute comme la Mutualité Française, l’association Origines s’est prononcée en faveur de l’ouverture de la possibilité d’une auto-conservation de gamètes pour les femmes comme pour les hommes. Audrey Kermalvezen a par ailleurs rédigé un amendement pour élargir la fourchette d’âge durant laquelle cet acte est permis chez les femmes. Elle passerait ainsi de 32/37 ans à 18/35 ans.
Pour le Pr Sagot, cette mesure risque d’entraîner un leurre pour beaucoup de femmes. En effet, le taux de réussite d’une PMA est faible. Tous les ovocytes ne supportent pas la procédure de congélation, tous ne donnent pas un embryon et un enfant. De plus, les traitements liés à la PMA sont lourds, tant d’un point de vue physique que psychologique.
Article 3 : ouverture d’un nouveau droit aux personnes nées d’assistance médicale à la procréation
Aujourd’hui, le don de gamète est exclusivement anonyme. Les enfants issus de ces dons n’ont aucun moyen légal de retrouver leur géniteur ou leur génitrice.
Demain, les personnes issues d’une PMA avec tiers donneur pourraient, à leur majorité et sans condition, accéder aux informations non identifiantes et identifiantes du donneur. Une position soutenue par la Mutualité Française.
Pour Arthur Kermalvezen, le droit d’accès aux origines est essentiel. Il est d’ailleurs le premier Français à avoir retrouvé son donneur grâce à un test ADN, une pratique illégale en France. Malgré tout, il différencie les parents et le géniteur : « Les parents restent ceux qui sont à la base du projet parental. »
Quels impacts sur les dons de gamètes ?
Cette levée d’anonymat provoque toutefois certaines craintes, notamment celle d’une baisse des dons. Thomas Jouannet constate au sein de la Polyclinique mutualiste de Franche-Comté une faible quantité de dons. Il se questionne alors sur l’efficacité de la communication faite autour du don.
Pour le Pr Sagot, la quantité de dons effectuée chaque année n’est pas une question de méconnaissance. C’est pour lui culturel. « Le don n’est pas une démarche spontanée chez les Français. »
La levée de l’anonymat va, pour Armand Dirand et Audrey Kermalvezen, au contraire entraîner une nouvelle génération de donneurs. A l’image d’autres pays, comme la Suède, le Royaume-Unis ou la Finlande, où il n’a pas été enregistré de baisse durable des dons après la levée de l’anonymat.
Concernant les stocks actuels, Audrey Kermalvezen « souhaite que l’on réinterroge les donneurs sur le maintien de leur anonymat ou non ». Une démarche entreprise par le Portugal, où 70% des hommes et 90% des femmes ont maintenu leur don.
La Mutualité Française s’est, quant à elle, prononcée en faveur de la non-rétroactivité de la levée de l’anonymat, afin de respecter le choix du donneur au moment du don. Une position récusée par Audrey Kermalvezen, pour qui aucun choix n’a pu être fait au moment du don, puisque le principe d’anonymat d’ordre public n’a été inscrit dans la loi qu’en 1994. La position de l’association Origines est de ne pas présumer du refus du donneur à lever cet anonymat et de les réinterroger.
Article 4 : tirer les conséquences, sur le plan de la filiation, de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes
Pour la Mutualité Française, l’instauration d’un mode de filiation particulier n’est pas cohérent avec le choix sociétal en train d’être fait. L’association Origines est également formellement opposée à toute mention sur l’acte de naissance du mode de conception. Cela créerait une inégalité entre les enfants. Elle est toutefois en faveur de cette mention sur le dossier médical partagé.
Au terme d’une heure et demi d’échanges, le débat s’est poursuivi dans le public. La Mutualité Française reste quant à elle mobilisée sur les sujets de bioéthique dans le cadre de l’espace mutualiste de bioéthique et restera attentive aux discussions parlementaires. Elles qui se prolongeront en 2020.
Biographie des intervenants
Professeur Paul Sagot
Le Professeur Paul Sagot est chef du service de gynécologie-obstétrique au CHU de Dijon et chef du Pôle de gynécologie obstétrique et de biologie de la reproduction. Spécialiste des questions de fertilité, il est le fondateur du centre de traitements de la stérilité conjugale du CHU de Dijon aux côtés du Professeur Patricia Fauque, désormais responsable du centre.
Audrey et Arthur Kermalvezen
Tous deux sont co-fondateurs de l’association Origines qui a pour objet de promouvoir la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes et l’accès aux origines.
Audrey est juriste en bioéthique. Auteur de « Mes origines : une affaire d’état », elle est la première personne conçue par don de gamètes à avoir saisi la Cour européenne des droits de l’homme.
Arthur est, quant à lui, l’auteur de « Né de spermatozoïde inconnu » et plus récemment du livre « Le fils ». Il est le premier français à avoir retrouvé son donneur grâce à un test ADN.
Armand Dirand
Armand Dirand est doctorant en philosophie. Il est responsable des missions formation, soutien à la recherche et informations / débats publics pour l’Espace de réflexion éthique de Bourgogne-Franche-Comté.
Thomas Jouannet
Thomas Jouannet est président de la Mutualité Française Comtoise SSAM et d’Hospitalia Mutualité, deux entreprises de l’économie sociale à but non lucratif. Hospitalia Mutualité gère notamment la Polyclinique de Franche-Comté à Besançon. Cet établissement est le seul cadre privé régional à proposer un centre de PMA.
Une cinquantaine de personnes étaient présente.
Une cinquantaine de personnes étaient présente.
La table-ronde était composée d'experts de la PMA, et animée par Nassim Larfa.
Audrey Kermalvezen.
La table-ronde était composée d'experts de la PMA.
Armand Dirand, Thomas Jouannet et le Pr Paul Sagot.
Le public a pu échanger avec les intervenants.
La table-ronde était composée d'experts de la PMA, et animée par Nassim Larfa.
Pr Paul Sagot.
Arthur Kermalvezen.
La table-ronde était composée d'experts de la PMA, et animée par Nassim Larfa.