Conventionnement : la Mutualité juge « choquant » le vote du Parlement

La commission mixte paritaire a adopté, le 12 juillet, la proposition de loi dite Fourcade en restreignant fortement la liberté de conventionnement des mutuelles avec des professionnels de santé. La Mutualité Française dénonce un texte « profondément choquant ».

"Stupéfaction", "indignation" : le président de la Mutualité  Française n’a pas de mots assez durs pour qualifier le vote, le 12  juillet, de la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de  loi dite Fourcade et plus précisément sur les articles relatifs au droit  de conventionner pour les mutuelles.

Ces articles autorisaient  en effet les mutuelles à mettre en place un réseau national de  professionnels de santé conventionnés au bénéfice de leurs adhérents. Ce  dispositif permettait l’amélioration des remboursements des adhérents  mutualistes qui consultent ces professionnels conventionnés.

Alors  que l’Assemblée nationale et le Sénat avaient adopté des positions  différentes, cette commission composée de sept députés et sept sénateurs  s’est entendue sur un texte qui "privilégie le clientélisme à l’intérêt  général", dénonce Etienne Caniard. Dans un communiqué de presse, la  Mutualité Française dénonce un texte "profondément choquant".

Que  dit-il ? Tout d’abord, il renvoie à un décret la fixation des "règles  de tout conventionnement souscrit entre les professionnels de santé, les  établissements de santé ou les services de santé et une mutuelle".  Ensuite, il précise qu’un "réseau de soins constitué par un organisme  d’assurance maladie complémentaire est ouvert au professionnel qui en  fait la demande, dès lors que celui-ci respecte les conditions fixées  par le gestionnaire de réseau".

Restriction à l’accès aux soins
Cette conception des réseaux  n’est pas celle défendue par la Mutualité Française qui veut pouvoir  déterminer dans certaines situations, notamment pour les professions  commerciales non soumises à numerus clausus, le nombre de contractants  pour assurer un maillage territorial et un égal accès aux soins. Dans  ces situations, un flux suffisant de patients est assuré aux  professionnels de santé en contrepartie d’engagements en termes de  qualité et de coût. A l’opposé, une offre excédentaire ne permet pas  d’agir sur le coût des soins.

"Dans nos réseaux d’opticiens  conventionnés, 80% des adhérents ont un reste à charge inférieur à 100  euros et 60% un reste à charge nul. Ces taux sont respectivement de 55%  et 27% hors réseau. Avec cette proposition de loi, les réseaux dits  fermés ne pourront a priori plus exister, ce qui va donc rendre encore  plus difficile l’accès aux soins. Il faut savoir que 20% de la  population française acquiert un équipement optique chaque année",  tempête le président de la Mutualité Française.

Pourtant, ce droit des mutuelles à conventionner librement avait été  rappelé par la Cour des comptes, et le Haut Conseil pour l’avenir de  l’assurance maladie (Hcaam) y voyait un outil à développer pour réguler  les secteurs de l’optique et du dentaire.
Pour le Collectif  interassociatif sur la santé (Ciss), le conventionnement mutualiste va  "dans le sens de l’intérêt général, qui réclame que l’on optimise le  fonctionnement de notre système de santé", estime son président,  Christian Saout.

La seule "concession" du législateur aux  mutuelles dans le nouvel article 22 porte sur les modulations de  prestation. "A titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter  de la promulgation de la présente loi, les mutuelles ou unions peuvent  instaurer […] des différences dans le niveau des prestations lorsque  l’adhérent choisit de recourir à un professionnel de santé membre d’un  réseau de soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations ont  conclu un contrat comportant des obligations en matière d’offre de  soins", précise le texte.

Une concession bien faible puisque le  Parlement n’accorde aux mutuelles que le droit à expérimentation quand  ce droit est ouvert pour les assureurs commerciaux et les institutions  de prévoyance. "Tout cela est particulièrement choquant et déconcertant  pour les mutuelles et leurs 38 millions de personnes protégées",  poursuit Etienne Caniard. "Il est incompréhensible que la représentation  nationale, théoriquement garante de l’intérêt général privilégie des  intérêts particuliers au détriment de la qualité des soins et du pouvoir  d’achat des patients", s’indigne le président de la Mutualité  Française. Cette proposition de loi devrait être adoptée ce mercredi 13  juillet par le Sénat et l’Assemblée nationale.

Jean-Michel Molins

En Bourgogne, plus de 60 établissements de soins et 500 professionnels de santé ont signé une convention avec la Mutualité Française Bourgogne et ses mutuelles.