Ehpad : vers un modèle centré sur les besoins de la personne âgée

Le rapport de la mission d’information sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) préconise de repenser leur modèle à partir des besoins des résidents. Rendu public le 14 mars, il formule 31 propositions visant à ne plus opposer « lieu de soins » et « lieu de vie ».

Améliorer à la fois la qualité des soins et la qualité de vie au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : c’est l’une des priorités du rapport de la mission d’information sur les Ehpad, rendu public le 14 mars 2018.

Les députées Monique Iborra et Caroline Fiat, rapporteures de ce rapport, recommandent de « sortir de l’opposition » entre l’Ehpad « lieu de soins » et l’Ehpad « lieu de vie », « sans négliger l’un au profit de l’autre ».

Impact du vieillissement

« Le modèle même de l’Ehpad doit […] être repensé à partir des meilleures innovations et expérimentations, en vue d’offrir un service plus qualitatif, centré sur les besoins du résident et des personnels, à la fois sur le plan des soins, sur celui de l’innovation technologique et du développement des alternatives à une surmédicalisation et surmédication », indique le rapport qui formule 31 propositions pour améliorer la situation actuelle.

Les Ehpad sont confrontés de façon croissante à l’impact du vieillissement de la population. Leurs résidents sont de plus en plus âgés, avec un âge moyen d’entrée en Ehpad de 85 ans et 8 mois en 2015, soit une hausse de plus de deux ans depuis 2007. Durant cette même période, la part des seniors les plus âgés a progressé : « 38% des résidents avaient plus de 90 ans, contre 26% en 2007 », précise le rapport.

Ce document montre également que les résidents cumulent en moyenne 7,9 pathologies, environ 37% souffrent d’au moins une pathologie chronique non stabilisée et 15% d’au moins une pathologie aiguë.

« Selon la Drees, 49% des résidents souffriraient de syndromes démentiels, pour beaucoup liés à la maladie d’Alzheimer, et 35% souffriraient de troubles du comportement », poursuit le rapport. Mais sur le terrain, « dans beaucoup d’Ehpad visités par les rapporteures, le personnel a estimé que 70 à 80% des personnes hébergées seraient atteintes de démence ».

Norme minimale d’encadrement

Les personnes interrogées estiment qu’il faudrait pouvoir consacrer « au moins une heure et demi par jour » à chaque résident pour la toilette, le repas, les transferts, l’incontinence, les chutes ou tout simplement du lien social.

Les rapporteures préconisent de s’appuyer sur cet objectif en rendant opposable « une norme minimale d’encadrement » sur le nombre d’aides-soignants et d’infirmiers au chevet du patient. Le but est de parvenir à 60 équivalents temps plein pour 100 résidents « dans un délai de quatre ans maximum, ce qui revient à doubler le taux d’encadrement actuel ».

« Cette proposition est accueillie favorablement par la Mutualité Française qui partage les préoccupations exprimées par les résidents, les familles et les salariés des établissements », explique Guénaëlle Haumesser, directrice de Générations mutualistes, le réseau famille de la Mutualité Française. Egalement dédié à l’accueil de la petite enfance et des personnes en situation de handicap, ce réseau compte 509 établissements et services pour personnes âgées implantés dans 70 départements, dont 213 Ehpad qui totalisent 14.825 places, rappelle-t-on.

« En France, les taux d’encadrement des personnels sont insuffisants. Cela a une incidence négative sur les conditions de travail, et par répercussion, sur la qualité de la prise en charge. L’organisation des soins actuelle doit être revisitée en urgence pour que la qualité de l’accompagnement ne se détériore pas et s’adapte aux évolutions des publics accueillis », ajoute Guénaëlle Haumesser.

Contraintes financières

Face aux contraintes financières qui pèsent lourdement sur le fonctionnement des Ehpad, les rapporteures conseillent de « suspendre la réforme de la tarification dépendance ». Pour la directrice de Générations mutualistes, « ce n’est pas tant la réforme de la tarification qui pose problème mais les moyens financiers qui lui sont alloués ».

« Il faudrait donner aux Ehpad les moyens financiers de fonctionner correctement car leurs besoins augmentent du fait de l’aggravation de la dépendance des résidents, déplore Guénaëlle Haumesser. Les dotations de soins et de dépendance dues aux établissements devraient être attribuées à 100% dès aujourd’hui et non pas avec un étalement sur sept ans, comme le prévoit la convergence tarifaire instaurée au 1er janvier 2017. »

En effet, « la stagnation, voire même la diminution des financements des pouvoirs publics risque mécaniquement d’impacter le reste à charge des résidents et des familles, seule variable d’ajustement résiduelle », regrette cette experte.

Si le reste à charge des usagers a été un sujet trop souvent oublié dans les réformes, notamment dans la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement du 1er janvier 2016, les rapporteures veulent désormais agir sur ce point. Pour en diminuer le montant, elles prônent un transfert de certains postes de dépenses aujourd’hui financés par le résident via la section hébergement. Ces dépenses basculeraient ainsi vers les sections qui bénéficient de financements publics », à savoir le forfait lié aux soins et le forfait lié à la dépendance.

Médecin coordonnateur et prescripteur

Parmi les autres mesures du rapport jugées positives, l’une d’elles consiste à « donner un véritable droit de prescription au médecin coordonnateur, tout en augmentant son temps de présence en Ehpad ». Conseiller technique du directeur de l’Ehpad, ce praticien est chargé de donner un avis sur les admissions et d’évaluer le degré de perte d’autonomie des résidents. Il est aussi tenu d’élaborer le projet de soins de l’établissement et de mettre en place des réseaux gérontologiques coordonnés.

Par ailleurs, le rapport recommande de « prévoir le financement du temps de coordination indispensable à la télémédecine en Ehpad ». Les Ehpad pourraient devenir des « points relais dans le cadre du développement de la télémédecine ». Autres mesures intéressantes : la volonté d’accompagner les Ehpad « dans leurs efforts de prévention, par le biais de financement dédiés », note le rapport. Enfin, les rapporteures souhaitent rendre possible « la mixité entre résidence autonomie et Ehpad », ce que proposent déjà certaines structures mutualistes.

Paula Ferreira

© Agence fédérale d’information mutualiste (Afim)

En Bourgogne-Franche-Comté

Les Unions territoriales de la Mutualité Française  gèrent 36 EHPAD dans la région (Mutualité Française Bourguignonne-SSAM, Mutualité Française Comtoise-SSAM et Mutualité Française Jura-SSAM), par conséquent, elles sont un observatoire de premier plan sur le territoire régional pour proposer de pistes d’amélioration.

Pour répondre aux nouveaux besoins des personnes âgées, elles proposent également des services à domicile et développent de nouvelles offres. Par exemple, la Mutualité Française Bourguignonne-SSAM a créé le concept Vill’âge Bleu ©, des hébergements individuels avec des services collectifs regroupés au cœur d’une ville ou d’un village pour favoriser le lien social.